image Demander et Ecouter – un seul et même mot en japonais !

Kiku

Article de Liza Maronese

Après plusieurs années de pratique du japonais, certaines choses qui autrefois me laissaient perplexe, passent aujourd’hui incognito. Au fil du temps, tel Tom Cruise dans Mission Impossible, ces mots ont su déjouer l’alarme de sécurité de mon sens critique.

C’est le cas du verbe 聞く/ KIKU, qui s’emploie à la fois pour dire « écouter » et « demander » en japonais. J’utilise aujourd’hui le terme sans y penser.

Pourtant, quelle étrangeté !  Pourquoi deux mots si distincts (en français, du moins) sont-ils parfaitement identiques en japonais ? Tant d’un point de vue phonétique que dans le choix du caractère…

Au Japon, rien d’étonnant à « écouter » son chemin, lorsque l’on est perdu (entendez « demander son chemin »). Ne voyons pas ici une tentative poétique ; même si elle n’est pas à exclure. En réalité, le contexte dit tout.

C’est en regardant une émission japonaise, hier, que le mot qui avait réussi dans son art de caméléon à ne plus susciter en moi le moindre émoi, se montra, quelques secondes, paré de son étrangeté.

Au risque de me répéter, je considère souvent que les spécificités linguistiques d’une langue en disent long sur sa culture, et il n’est pas étonnant que le verbe 聞くserve deux propos en japonais.

Avant de demander, il faut tendre l’oreille

Le caractère est en réalité formé de deux caractères plus simples : , représentant une porte/ un portail avec en son centre une oreille .

Pour ma part, j’y vois deux personnes se faisant face avec une oreille démesurée entre les deux. Mon explication n’est, certes, pas orthodoxe, mais l’image me semble assez parlante.

Dans les séminaires que j’anime, j’insiste sur  ce point: pour favoriser une bonne communication il est primordial que la personne qui écoute prenne son rôle très au sérieux. Pourquoi? Le japonais étant une langue où le non-verbal a une importance très marquée, un détail peu changer le contenu transmis. L’interprétation – puisqu’elle est souvent nécessaire – incombe à « l’écoutant » (permettez-moi ce néologisme).

Il faut laisser parler son interlocuteur, ne pas l’interrompre, et dans la mesure du possible respecter les silences s’il y en a. En effet, eux aussi sont porteurs de messages.

Cette courte démonstration étymologique me paraît être une bonne méthode mnémotechnique. Elle sert à se rappeler que si l’on pose une question à une personne japonaise, il faut donc prendre le terme « kiku » au pied de la lettre et être enclin à « écouter » sa réponse, avec toute l’attention nécessaire.